Le français à luniversité

Le réseau CLEFS — AMSUD : un nouveau chantier de recherche et d’action associative

Claudia Gaiotti, Laura Masello, Eliane Lousada et Sabrina Bevilacqua

Texte intégral

1La présence de la langue française en Amérique du Sud est un phénomène hétérogène qui se décline aux sources multiples et variées. Le français s’inscrit ainsi dans différents contextes de production et de circulation de savoirs : il s’agit d’une langue de partage qui, croisant des réalités diverses, réélabore les empreintes sociales des milieux et des institutions qui l’accueillent. Le français devient donc une langue d’apprentissage et d’enseignement, une langue liée à la formation professionnelle, une langue de recherche et, également, une langue-objet de recherche. En d’autres mots, le français est une langue où convergent des traditions historico-culturelles et scientifiques, plurielles et diverses, qui habitent notre région.

2Ainsi, le réseau CLEFS — AMSUD est né de la volonté de tisser des liens de coopération et d’action entre des chercheurs et des universités ancrés dans la région. Faisons un bref historique qui permettra de rendre compte de la genèse du réseau1.

3En 2012, une rencontre de départements universitaires de français d’Amérique du Sud est convoquée sous les auspices de l’AUF, de son Antenne en Amérique latine — Bureau des Amériques et de l’Institut français. Il s’agit d’une rencontre qui a reçu également l’appui de l’Ambassade de France et du Consulat général de France à São Paulo, en partenariat avec le CENDOTEC (Centro franco-brasileiro de Documentação Técnica e Científica). L’Universidade Estadual Paulista Julio de Mesquita Filho (UNESP), siège de l’Antenne Amérique latine de l’AUF, a ainsi accueilli une trentaine d’enseignants-chercheurs, venant de différents pays : l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, la Colombie, l’Équateur, le Paraguay, l’Uruguay et le Vénézuéla. Cette manifestation était significative, car elle se réalisait bien longtemps après la première rencontre des départements de français qui, s’étant déroulée à São Paulo en 1973, a donné lieu à la création des SEDIFRALE (Sesiones de Docentes e Investigadores en Francés Lengua Extranjera).

4En ce qui concerne les objectifs de la rencontre de 2012, l’intérêt était, tout d’abord, de créer des relations amicales et académiques au sein d’une communauté diverse qui reliait des acteurs de l’enseignement et de la recherche autour du français s’inscrivant dans un même espace géographique; puis on s’est proposé de faire une mise en commun et un bilan des activités liées aux politiques de l’enseignement du français dans chaque pays représenté et, enfin, on cherchait à faire avancer, sur le plan associatif, des perspectives de recherche commune.

5Cette manifestation a révélé tout un potentiel d’actions conjointes de recherche visant la didactique du français et les représentations culturelles du monde francophone. C’est ainsi que cette rencontre a donné lieu à la création du premier réseau universitaire sud-américain d’enseignants-chercheurs en langue française et cultures francophones (CLEFS — AMSUD). Puis, on a constitué un bureau directif qui regroupe actuellement quatre membres remplissant les fonctions suivantes : président, vice-président, secrétaire scientifique, chargé de communication et du développement.

6La rencontre à São Paulo a tracé les lignes directrices de nos actions futures, liées à la langue française, aux cultures et aux littératures francophones dans la région : didactique et pratiques d’enseignement; représentations socioculturelles (identitaires, ethniques et plurilinguistiques); littératures, traduction et pratiques numériques; politiques institutionnelles par rapport à l’enseignement du français (politiques gouvernementales, services diplomatiques des pays francophones, établissements éducatifs).

7C’est dans ce contexte d’échange que le réseau CLEFS — AMSUD a organisé différents événements internationaux au cours des dernières années :

8— Le colloque international Pratiques et représentations concernant le français en Amérique du Sud : défis pour la recherche, qui s’est tenu à l’Universidad de los Andes (Bogota, Colombie) les 28 et 29 octobre 2013. Ce premier colloque s’est proposé de tracer un état des lieux des pratiques d’enseignement et de recherche concernant les langues et les cultures francophones en Amérique du Sud. Volontairement hétérogène, cette rencontre a croisé plusieurs domaines disciplinaires : didactique, littérature, traduction, sociolinguistique, terminologie, entre autres. C’est ainsi que 25 spécialistes, appartenant à 10 pays, se sont réunis autour des axes qui reprenaient les voies tracées à São Paulo : diversité structurelle de l’enseignement du français et sa place en Amérique du Sud; la didactique et ses dynamiques; la recherche concernant le français et les littératures francophones en Amérique du Sud; les représentations sociétales et les pratiques langagières.

9— Le colloque et séminaire de recherche Francophonie et langue française : problématiques de recherche et d’enseignement en Amérique du Sud (didactiques, littératures, cultures et sociétés), organisé à l’Universidad Nacional de Cuyo (Mendoza, Argentine) les 4 et 5 décembre 2014. Reprenant les préoccupations de la rencontre de Bogota, ce colloque s’est centré sur des problématiques de recherche relatives à la langue française et aux cultures francophones en Amérique du Sud. On a présenté les résultats des recherches en cours ou achevées à partir de trois volets d’exploration : didactiques (contenus, outils et défis pour/dans l’enseignement du FLE; pratiques discursives académiques et scientifiques), littératures francophones (enseignements, pratiques, perspectives; cultures et sociétés; littérature et pédagogie critique; approche postcoloniale et construction d’identités) et cultures et sociétés (enseignement des langues face à la pluralité culturelle et linguistique; pratiques traductives et enjeux socioculturels; dynamiques des réseaux sociaux et propositions épistémologiques). Au cours du séminaire, à partir des axes établis, on a discuté sur l’élaboration de projets interuniversitaires sud-américains de recherche en réseau.  

10— Enfin, les 9, 10 et 11 décembre 2015, le séminaire La recherche en langues, cultures et littératures en Amérique du Sud : politiques linguistiques et production de connaissances a eu lieu à l’Universidad de la República (Montevideo, Uruguay). Deux conférences inaugurales ont relancé les discussions. D’une part, Patrick Chardenet, responsable de l’Antenne Amérique latine de l’AUF, a introduit la problématique de pluralité linguistique dans l’enseignement supérieur et la recherche. D’autre part, Francis Carton, membre du CNRS et de l’Université de Lorraine, s’est centré sur des problèmes liés à la recherche dans la formation initiale et permanente des enseignants de langues vivantes. Le séminaire a compté également sur l’accompagnement et l’expertise d’Olivier Dezutter, spécialiste en didactique du français, en évaluation des compétences et en formation des enseignants à l’Université de Sherbrooke.

11Au cours de ces 3 journées, 26 enseignants-chercheurs et étudiants-chercheurs ont développé un projet de recherche en réseau qui devrait voir le jour en 2016. On s’est centré sur deux grandes thématiques : a) Les rapports entre le capital linguistique des universités, le répertoire linguistique et culturel des acteurs et la circulation des connaissances; b) Discours, cultures et sociétés : université, recherche et enseignement/apprentissage du français en Amérique du Sud. Ainsi, on a privilégié la recherche en réseau, les problématiques liées à la production de connaissances en langue française à l’université et les liens avec les recherches en cours. L’intérêt du séminaire était de dynamiser la recherche interuniversitaire dans la région dans le but de produire des savoirs utiles à l’enseignement et à la formation des enseignants.

12Ces manifestations scientifiques convoquées par le réseau CLEFS — AMSUD prouvent l’intérêt d’encourager la recherche conjointe et de multiplier nos productions dans des champs disciplinaires variés. Aujourd’hui, notre jeune réseau rassemble plus de 70 chercheurs travaillant sur la langue française, les cultures et les littératures francophones. Il fusionne des disciplines, des perspectives théoriques, des outils méthodologiques divers et il accueille également des chercheurs en provenance d’autres régions. Tout ceci prouve le potentiel d’échanges que cette action associative pourrait développer dans l’avenir. Faisant honneur à son nom, notre réseau pourra apporter des « clefs » de dialogue et de coopération tissant des liens et des actions de recherche dans la région. Le réseau CLEFS — AMSUD, qui fait germer des idées, relève ainsi le défi de créer de nouveaux scénarios de collaboration, d’échange et de production scientifique entre différentes communautés de savoir.

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Notes

1 Pour plus d’information, voir Torres Mariño, Vicente (2016) : « Introduction » in Francophonie et langue française en Amérique du Sud : problématiques de recherche et d’enseignement, Bogota : Université de Los Andes, sous presse.  

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Pour citer

Claudia Gaiotti, Laura Masello, Eliane Lousada et Sabrina Bevilacqua, Le réseau CLEFS — AMSUD : un nouveau chantier de recherche et d’action associative
Le français à l'université , 21-02 | 2016
Mise en ligne le: 08 juin 2016, consulté le: 26 avril 2024

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Auteurs

Claudia Gaiotti

Université de Buenos Aires (Argentine), Présidente CLEFS — AMSUD

Du même auteur

Laura Masello

Université de la République (Uruguay), Vice-présidente

Eliane Lousada

Université de São Paulo (Brésil), Secrétaire scientifique

Du même auteur

Sabrina Bevilacqua

Université de Buenos Aires (Argentine), Chargée de communication et du développement

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