Le français à luniversité

L’anglicisation des formations dans l’enseignement supérieur

Wajiha Smaili

Référence de l'oeuvre:

Frath, Pierre (coord.), (2014), « L’anglicisation des formations dans l’enseignement supérieur », Les langues modernes, numéro 1, 108e année, APLV – Association des professeurs de langues vivantes, Paris, 94 pages.

Texte intégral

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1Le phénomène d’anglicisation des formations dans l’enseignement supérieur s’est développé ces dernières années dans les universités de l’Europe et du monde. Il a été traité dans ce numéro de la revue Les langues modernes en vue d’inciter à un débat sur ses effets positifs et négatifs.

2Les contributions sont venues de 4 pays : la France, l’Allemagne, la Suède et l’Algérie. Le premier article, « SMILE 2013 : bilan d’une initiative transdisciplinaire au niveau DUT », décrit un projet d’enseignement parallèle, anglais/français, de l’informatique, proposé aux étudiants en DUT. Le dispositif envisage des mesures d’accompagnement telles que l’introduction du lexique spécifique, des supports lacunaires et des diaporamas visuels. Les auteurs, Nadia Yassine-Diab et Guillaume Cabanac, dressent un bilan très positif de l’expérience.

3L’article signé par Anne-Marie O’Connell et Claire Chaplier, « Quelle anglicisation des formations ? », présente deux visions contradictoires vis-à-vis de l’emploi de l’anglais à l’université : les partisans trouvent nécessaire cette anglicisation afin d’assurer les échanges économiques et technologiques et la recherche. Les opposants parlent de graves répercussions sur la pensée, les sciences et les arts.

4L’article souligne un manque de dialogue entre les enseignants des spécialités et les enseignants d’anglais en France. Il appelle à plus de synergie entre ces différents partenaires, à une évaluation des pratiques qui passe par la recherche et qui donne plus de place à la didactique des disciplines en L2.

5La part la plus importante des contributions à ce numéro, soit trois articles, est venue d’Allemagne, pays qui connaît l’anglicisation à l’université depuis une vingtaine d’années. Les auteurs présentent le phénomène comme un problème et font état d’une situation critique.

6Ralph Mocikat et Hermann H. Dieter, dans « La langue allemande pour la science, quel avenir ? », décrivent l’hégémonie de l’anglais dans le domaine de la recherche et de l’enseignement en masters des sciences en Allemagne. Les scientifiques communiquent uniquement en anglais. Par conséquent, l’allemand n’est plus utilisé en science, menant ainsi à une perte de terminologie, de mémoire et de créativité scientifique. Les auteurs plaident pour la préservation en Europe du plurilinguisme.

7L’article de Claude Truchot analyse un document publié par la HRK, l’équivalent allemand de la conférence des présidents d’Université en France : présentation d’un constat détaillé des inconvénients d’enseignement qui se donne entièrement en anglais; recommandations pour rechercher un équilibre entre l’allemand, l’anglais et les autres langues ; appel à apprendre l’allemand par les étudiants étrangers accueillis dans les universités allemandes ; promotion du plurilinguisme en prônant l’acquisition d’une langue étrangère en plus de l’anglais. L’auteur propose certaines mesures à ajouter au texte analysé, dont la présentation des modes d’intervention et des aspects organisationnels pour mettre en place la politique linguistique préconisée. Il exprime le souhait que l’équivalent français de la HRK s’inspire du texte allemand.

8Le troisième article, intitulé « L’anglicisation universitaire de l’Allemagne vue de Chine » (Chongling Huang et Odile Schneider-Mizony), décrit la situation du côté des étudiants chinois en Allemagne. Ces étudiants suivent un cursus entièrement anglicisé. Ils vivent dans des ghettos où on communique en chinois dans la vie quotidienne, et où on étudie en anglais. L’allemand est ainsi fragilisé et devient, pour certains, inutile. Cette situation a aussi des conséquences sur le niveau académique, qui est en baisse.

9Béatrice Cabau présente la situation dans les pays nordiques et en Suède. Le système éducatif suédois a adopté l’anglais depuis 1962 dans l’objectif de préparer les étudiants aux études doctorales et de rendre accessible à l’international la recherche du pays. Les effets négatifs observés sont des difficultés de compréhension des étudiants et le manque d’interaction en classe, une perte de la terminologie en suédois pour s’exprimer dans les études et la recherche, le risque de pensée unique et la baisse de la qualité de l’enseignement.

10Dans les autres pays nordiques, on observe une tendance générale à adopter une politique linguistique favorisant un usage « parallèle » de la langue du pays et de l’anglais.

11Le dernier article évoque la situation des langues en Algérie. L’analyse menée par Mourad Bektache montre que l’anglais et le français ne sont pas en concurrence dans les universités algériennes. Le français jouit du privilège de langue d’enseignement, du travail, de la communication et de la promotion sociale, tandis que l’anglais bénéficie du statut de langue scientifique.

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Pour citer

Wajiha Smaili, L’anglicisation des formations dans l’enseignement supérieur
Le français à l'université , 19-03 | 2014
Mise en ligne le: 18 septembre 2014, consulté le: 19 avril 2024

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