1Écrire, n’est-ce pas aussi donner à voir ? Les écrivains utilisent le regard pour lier le monde de la fiction au réel et pour personnaliser et intérioriser le discours de l’œuvre. Leurs écrits présentent leur vision et celle de leurs personnages en comptant sur la position de voyeur ou de témoin du lecteur. Le regard littéraire pose donc la question de son appropriation par autrui à travers une construction signifiante : le texte. Somme d’images, il souhaite faire partager une vision, donner à voir, par l’entremise de descriptions et de significations analogiques basées sur des formes convenues ou transgressées. Il risque alors d’y avoir une compréhension incomplète ou inexacte de la part du lecteur qui s’approprie l’univers de l’œuvre, puisque la lecture peut changer dans le temps et selon les cultures.

2La multiplicité des avenues théoriques proposées par les auteurs de ces articles nous emmène dans des lectures narratologiques, phénoménologiques ou même déconstructivistes de textes divers allant de Nathalie Sarraute à des œuvres d’Espagnols écrites en français et à d’autres venant de la francophonie africaine, québécoise et antillaise. La perspective des regards, les focalisations divergentes ainsi que les enjeux intimement liés au regard dans les œuvres — conscience de soi comme sujet et comme être social, présence du divin, hantise, flou générique, théâtralité du discours — sont étudiés ici pour décrire le fonctionnement et l’utilisation des éléments visuels ainsi que pour faire une étude de leurs effets sur la lecture et sur les destinataires. L’éclectisme des articles, qui sont pour la plupart d’un grand intérêt, fait de ce numéro un ouvrage complet sur le sujet.