1Existe-t-il un territoire sans frontières qui, au-delà des prescriptions officielles, laisse se constituer une esthétique partagée, une quête poétique et littéraire d’une identité décalée, mais absolument présente ? À cette question, le florilège Paroles d’Acadie, anthologie de la littérature acadienne (1958-2009), de David Lonergan, répond de manière positive. L’Acadie est ce lieu de l’inscription, ce pays qui est de ne pas être, qui s’invente dans la diversité des voix et la multiplicité des genres littéraires (poésie, théâtre, conte, roman, etc.). Les auteurs ici réunis sont les figures de la création quand elle revient sur le passé (fût-il celui du Grand Dérangement) et s’ouvre sur l’avenir.

2Tout comme l’ouvrage précédent de l’auteur, Tintamarre, chroniques de littérature dans l’Acadie d’aujourd’hui, publié lui aussi aux Éditions Prise de parole, cette anthologie est une pièce majeure sur un échiquier qui déborde les définitions en les interrogeant. Qu’est-ce qu’un auteur acadien ? Qu’est-ce que l’écriture quand elle est géo-poétiquement labellisée, mais que cette étiquette n’est en aucun cas l’expression d’un repli ? Elle dévoile les difficultés éditoriales, les choix stratégiques, le rôle actif de l’Université de Moncton, les ambitions artistiques, les relations avec les autres arts, les tensions linguistiques et esthétiques dans un foisonnement qui rend le classement des auteurs complexe, mais qui traduit aussi une dynamique des impulsions.

3Cette anthologie est à lire comme le tracé d’un geste qui pourrait être gommé, à moins qu’il réussisse à prolonger dans la chair du texte la signature d’une belle indépendance.