Le français à luniversité

Perspectives pour la mise en place de dispositifs hybrides dans l’apprentissage du français dans des contextes universitaires arabophones

Rana Kandeel

Texte intégral

1L’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans la formation des langues étrangères, et tout particulièrement dans l’apprentissage du français langue étrangère, seconde (FLE/FLS) ou du français sur objectifs spécifiques (FOS) s’est appuyée sur des fondements didactiques et sociaux. Elle nous amène à nous demander comment assurer aux apprenants une formation leur permettant d’être autonomes, plus responsables de leur apprentissage et compétents dans les domaines disciplinaires et professionnels. Cette formation interroge tant les méthodologies que les pratiques mises en œuvre par les enseignants de langues. Pourtant, la formation en présentiel a montré certaines défaillances et n’était pas suffisante dans des contextes universitaires arabophones, francophones ou non. Dans ces derniers, le nombre élevé des apprenants dans les classes, les contraintes spatio-temporelles (insuffisance des lieux de formation et des horaires de cours), les habitudes d’apprentissage et les pratiques d’enseignement traditionnelles prédominantes, les contraintes pesant sur les programmes d’enseignement du français ou des filières francophones ont constitué des obstacles au profit des situations pédagogiques introduisant l’outil informatique. L’intégration de nouvelles technologies a constitué « un apport déconnecté » à la formation (Pothier, 2003 : 5). En effet, les ressources multimédias ont été utilisées avec des limites, et il ne s’agit pas d’une véritable intégration des dispositifs innovants dans des contextes universitaires.

2Ce constat a conduit plusieurs établissements à réfléchir sur la mise en place de formations ouvertes et à distance (FOAD)1 qui ont pour objectif de dépasser toutes les limites du présentiel et de proposer une offre de formation fournissant au marché du travail des étudiants diplômés mettant en œuvre des compétences langagières en français, compétents et spécialisés dans des domaines particuliers (éducation, tourisme, droit, archéologie, économie, etc.)2. Ce type de dispositifs a surtout rencontré un problème quant à la reconnaissance de ses diplômes de formation par les autorités publiques, notamment les ministères de l’éducation supérieure de certains pays arabes comme ceux du Moyen-Orient : l’Égypte, le Liban et la Jordanie3.  

3Dans cette optique, la création de formations hybrides jouissant d’une reconnaissance institutionnelle au même titre qu’une formation en présentiel paraît nécessaire pour répondre à ces défis, afin de faire face aux exigences accrues de la multiplicité des formations et du développement des compétences et des habiletés requises dans le marché du travail francophone. Définis comme « des dispositifs articulant à des degrés divers des phases de formation en présentiel et des phases de formation à distance, soutenues par un environnement technologique » (Charlier, Deschryver, Peraya, 2006 : 470), les dispositifs hybrides sont compris comme conséquence de l’innovation et « se donnent comme objectif de partir de l’existant pour proposer, par hybridation, une réponse plus adéquate à un problème initial généralement lié à une insatisfaction ressentie par un enseignant ou un groupe d’enseignants » (Guichon, 2006 : 130). Le choix des formes hybrides dans les activités d’enseignement/apprentissage dans les instituts universitaires s’effectue pour la création d’un « dynamisme de travail et [pour] faciliter la collaboration et l’interaction entre les étudiants à travers l’utilisation de la plateforme et les outils de communication » (El-Soufi, 2012 : 169).

4Il semble que la réflexion sur la mise en place des dispositifs hybrides dans des contextes universitaires arabophones doive répondre également aux défis fortement liés à la didactique des langues tels que la diversification et l’amélioration des offres de formation pour l’apprentissage du français dans les filières francophones. Les données chiffrées sur le français comme langue d’enseignement universitaire dans le monde arabe montrent que les filières francophones dans les facultés des lettres et sciences humaines de certains pays (Égypte, Syrie, Maroc, Liban, Tunisie, Jordanie) sont au nombre de sept (Pham Van Thi, 1999 : 108). Les universités peuvent s’accorder sur la mise en place des formations de base ayant des traits communs en présentiel, en définissant les compétences langagières ou professionnelles à acquérir par les apprenants en fonction du contexte et des objectifs de formation communs aux différents pays. Il s’agit de l’élaboration d’un référentiel de formations basé sur les besoins ressentis tout en prenant en compte les spécificités des contextes universitaires et les politiques respectives de leurs systèmes éducatifs qui ne peuvent que tenir compte des aspects socioculturels et géopolitiques, souvent perçus comme complexes et difficiles à cerner en didactique des langues.

5L’organisation des contenus et les échanges pédagogiques peuvent s’achever par l’entremise des plateformes collaboratives, la proposition des tâches et la diffusion des résultats de leur réalisation peuvent être mutualisées à distance. Le suivi de leur accomplissement se réalise au niveau local dans chaque université selon sa propre démarche, en prenant en compte les particularités des contextes locaux. Cet objectif peut être réalisé à travers la mise en œuvre d’une synergie interuniversitaire entre les différents acteurs, les formateurs, soit les enseignants de différents modules ou disciplines, et entre les étudiants eux-mêmes. En effet, la mise en ligne de sites Internet constituant des référentiels relatifs à différents types de formation n’est pas en elle-même suffisante pour développer des stratégies guidant l’action et garantissant son opérationnalité.

6La mise en place d’une politique de dispositifs hybrides synergiques peut présenter des apports qui apparaissent considérables et conduisent, au niveau régional, à des actions mutuelles productives, à savoir : la création de ressources communes d’apprentissage du français en ligne et la mise en œuvre de formations pour des besoins identifiés dans des contextes universitaires et fortement liés au marché du travail. Au niveau international, la valorisation, après évaluation, des formations issues de ce type de dispositifs peut être réalisée en fonction de sa correspondance avec le Cadre Européen Commun de Référence pour les langues (Conseil de l’Europe, 2005), un référentiel à visée pragmatique pour la formation des langues.

7Les dispositifs, qui ont une vocation interuniversitaire, deviendront les pivots de la formation rénovée du français. Ils permettront d’améliorer les conditions de formation initiale dans cette langue et augmenteront l’intérêt pour son apprentissage, afin de satisfaire la demande dans les organisations et les entreprises régionales et internationales au Moyen-Orient.

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BIBLIOGRAPHIE

Charlier, B.,N. Deschryver et D. Peraya,(2006), « Apprendre en présence et à distance — Une définition des dispositifs hybrides », Distances et Savoirs, vol. 4, n° 4, p. 469-496.

Conseil de l’Europe,(2005), Un cadre européen commun de référence pour les

Langues : apprendre, enseigner, évaluer, Paris, Didier.

El-Soufi, A, (2012), « Usages et pratiques sur Moodle entre présence et distance », in T. Karsenti, R. Garry, A. Benziane, B. Ngoy-Fiama et F. Baudot (Dir.), La formation de formateurs et d’enseignants à l’ère du numérique : stratégies politiques et accompagnement pédagogique, du présentiel à l’enseignement à distance, p. 169-179,Montréal, Réseau international francophone des établissements de formation de formateurs (RIFEFF) / Agence universitaire de la Francophonie (AUF).

Guichon, N, (2006), Langues et TICE : méthodologie de conception multimédia, Paris, Ophrys.

Pham Van Thi, L., (1999), Observatoire régional du français dans le Monde arabe (OREMA), disponible en ligne http://eprints.aidenligne-francais-universite.auf.org/437/

Pothier, M., (2003), Multimédias, dispositifs d’apprentissage et acquisition des langues, Paris, Ophrys.

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Notes

1 Nous citons à titre d’exemple un ouvrage récent sur l’évolution des formations du présentiel à l’enseignement à distance intitulé La formation de formateurs et d’enseignants à l’ère du numérique : stratégies politiques et accompagnement pédagogique, du présentiel à l’enseignement à distance. Voir la bibliographie.

2 Cinq formations ouvertes et à distance (FOAD) sont proposées par des universités au Moyen-Orient (Égypte, Liban) avec le soutien de l’AUF dans les domaines de droit, économie et sciences politiques, science de la société et science de la vie et de la terre. Pour plus d’information, consultez le site FOAD au http://foad.refer.org/rubrique2.html

3 Constatation faite par les responsables des départements du français dans la région du Moyen-Orient lors d’un atelier sur l’« utilisation d’un dispositif de formation hybride pour l’apprentissage et l’enseignement » dans la réunion régionale des Départements Universitaires de Français (DUF) du Moyen-Orient, qui s’est tenu le 28 mars 2012 à l’École supérieure des Affaires (ESA) de Beyrouth. Voir le site de l’AUF au http://www.auf.org/actualites/la-reunion-duf-beyrouth/

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Pour citer

Rana Kandeel, Perspectives pour la mise en place de dispositifs hybrides dans l’apprentissage du français dans des contextes universitaires arabophones
Le français à l'université , 17-02 | 2012
Mise en ligne le: 04 mars 2014, consulté le: 19 avril 2024

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Auteur

Rana Kandeel

Université du Yarmouk, Jordanie

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