Le français à luniversité

IFos, une plateforme pour l’enseignement du français professionnel

Alexandre Minski

Texte intégral

1Image1Le 15 janvier 2015, l’Institut français a lancé IFos, la plateforme de l’enseignement du français professionnel, en présence de la secrétaire d’État au Développement et à la Francophonie, Annick Girardin.

2IFos, dispositif innovant, exploité en partenariat avec le Centre de langue française de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris Île-de-France, est destiné aux enseignants désirant se former ou améliorer leurs compétences en français professionnel. Il est financé par le programme du ministère français des Affaires étrangères et du Développement international « 100 000 professeurs pour l’Afrique ».

3Langue de culture / langue de l’emploi
Le français est une grande langue de culture; la littérature francophone constitue une des contributions majeures au trésor des lettres de l’humanité. Le fait est entendu et il ne convient en aucun cas de renier cette dimension patrimoniale de notre langue. Des générations d’enseignants-chercheurs exerçant leur magistère dans les départements universitaires de français ont assis leur légitimité sur les lettres et transmis aux étudiants savoir, passion et érudition.

4Toutefois, avec la crise actuelle des humanités et la moindre attractivité des cursus de langues à l’université, nombre de collègues font également le constat que la demande étudiante est en profonde mutation et qu’elle a tendance à évoluer vers l’acquisition de compétences linguistiques plus directement monnayables sur un marché du travail mondialisé.

5Effet conjoncturel de la crise ou tendance lourde ? On ne peut que constater en tout cas que le français est entré de plain-pied dans la globalisation des échanges. Il est l’un des protagonistes importants de ce qu’il est convenu d’appeler le marché des langues. On en veut pour preuve les essais de quantification par des économistes des bénéfices de l’insertion d’une économie dans une zone francophone ou de la mesure du poids de la langue dans le PIB.

6Francophonie et diplomatie économique
Il est enjoint aujourd’hui à la langue de contribuer au dynamisme économique de la zone francophone. Ainsi, au dernier sommet de la Francophonie de Dakar (29-30 novembre 2014) a été entérinée une Stratégie économique pour la Francophonie qui veut faire de la Francophonie institutionnelle un acteur reconnu et responsable de la mondialisation. Pour y parvenir, « la Francophonie fera la promotion de l’usage du français dans tous les domaines économiques et juridiques – particulièrement dans les domaines de la normalisation, du droit des affaires, de l’économie numérique et de l’éducation financière (…). Elle encouragera les entreprises à se doter d’une politique linguistique respectueuse de la langue de leurs employés et de leurs consommateurs » (axe 1, 3).

7En France, la diplomatie économique est devenue une des priorités du ministère des Affaires étrangères et du Développement international. La diplomatie culturelle, entendue comme le développement de la langue et de la culture françaises à l’étranger, est mise à contribution pour participer au développement économique et aux échanges internationaux.

8Ainsi, demandes institutionnelles et pressions sociétales se conjuguent pour infléchir l’offre de français vers une intégration de la dimension professionnelle et économique de la langue. Les étudiants demandent à l’institution universitaire que le diplôme qu’elle délivre, et qui matérialise les compétences acquises, garantisse ou, à tout le moins, favorise, une insertion aisée dans leur bassin d’emploi, et donne accès à un emploi relatif au contenu et au niveau du diplôme obtenu.

9Contraintes et choix technico-pédagogiques
D’où notre volonté de nous doter d’outils adéquats permettant de répondre à ces nouveaux défis. Le monde de la formation subit depuis quelques années un profond bouleversement : les techniques et les usages ont été radicalement bouleversés avec l’arrivée des CLOMs (Cours en Ligne Ouverts et Massifs), qui consacrent l’individualisation et une disponibilité presque complètes des nouveaux dispositifs. La formation continue n’est plus systématiquement liée à l’institution; elle devient un acte choisi qui relève, à la limite, de l’autoformation.

10Dans notre projet de production d’une plateforme de formation à l’enseignement du français professionnel, nous devions tenir compte de ces changements. De plus, le projet IFos, financé par le programme « 100 000 professeurs pour l’Afrique », devait s’adresser prioritairement aux collègues africains et, donc, s’adapter aux conditions, souvent difficiles, d’accès au Réseau en Afrique. Tout cela nous a conduits à retenir une solution technologique robuste, sur une base technologique stable et éprouvée, Moodle, à faire un usage modéré des vidéos, grosses consommatrices de bande passante, et à proposer des solutions pour partie hors ligne sur support DVD-ROM.

11Qu’on nous pardonne ici de ne pas prendre de parti terminologique marqué entre « français sur objectif(s) spécifique(s) », « français à visée professionnelle » ou « français professionnel ». Si la marque IFos renvoie bien évidemment au premier, il s’agissait au premier chef d’évoquer un objet scientifique connu, et surtout de célébrer les noces de l’IF (Institut français) et de FOS (français sur objectifs spécifiques).

12Le cœur de IFos, c’est le français professionnel, mais le dispositif propose également une séquence de formation au Français sur Objectifs Universitaires (FOU). IFos propose une méthodologie spécifique de création d’un cours et prépare les enseignants à construire une formation destinée à des étudiants étrangers, inscrits dans des cursus universitaires en français. L’explosion de la mobilité étudiante et son développement exponentiel annoncé rendent pressante la formation de ces passeurs professionnels que sont les enseignants qui préparent les étudiants à aller étudier hors de leur pays et parfois loin de leur culture d’origine.

13IFos comprend deux volets :

  • Le volet 1, proposé en complète autonomie et en accès gratuit, présente la méthodologie et détaille les étapes de la création d’un cours. Il envisage plusieurs domaines d’application (français du tourisme, des affaires, juridique, militaire, etc.).

  • Le volet 2, tutoré et diplômant, permet d’appliquer les compétences acquises dans le volet 1 et de réaliser une étude de cas issue du secteur des affaires. Il guide l’enseignant de la conception à l’évaluation des actions de formation au français professionnel et le suit dans la création d’un cours complet. Ce volet est en accès payant et peut aboutir à la certification, qui vient valider les compétences acquises (une partie du Master FOS des universités d’Artois et de Bourgogne pourra être accordée en équivalence, le Ddifos de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris Île-de-France en son entier).

14Les activités proposées sont de deux types :

  • activités fermées autocorrectives

  • activités ouvertes de production avec corrigés types (volet 1) ou correction personnalisée (volet 2)

15Pour la certification, le candidat conçoit un cours complet, et la soutenance se déroule ensuite via des instruments de communication vidéo synchrones, de type Skype ou Hangouts.

16Un modèle médian
Dans le choix du modèle économique dit freemium, combinaison d’accès gratuit et de parties payantes, nous souhaitions nous démarquer du modèle du MOOC « américain », qu’on peut caractériser sommairement par un accès gratuit, une utilisation souvent massive de la vidéo, une autonomie modérée par les pairs et une certification dont la reconnaissance reste, pour le moment, aléatoire. Ce modèle repose sur une symétrie inscriptions massives / taux d’abandon massif.

17Nous souhaitions de notre côté promouvoir un modèle moins radical, qui tienne le milieu entre ces nouvelles pratiques et une formation à distance plus traditionnelle. Nous avons ainsi opté pour une ouverture large de la première partie du parcours, puis, après validation par des badges, nous avons proposé pour la 2e partie un guidage (tutorat) menant à la diplomation. De récentes études tendent en effet à montrer que la création de valeur réside dans la certification qui couronne la formation.

18Dans les formations à distance, le risque majeur est celui de la démotivation, prélude à l’abandon. La socialisation du présentiel constitue un rempart puissant contre ce désinvestissement. En formation à distance, on sait que le tutorat a pour essentielle fonction de remotiver l’inscrit. Il nous a donc paru essentiel de pouvoir proposer ce service aux inscrits, dans la mesure où le caractère massif de la formation n’était pas avéré.

19NumériFOS®
La plateforme de formation est couplée à la banque de ressources en français professionnel NumériFOS®. NumériFOS® ambitionne de devenir à terme la banque de référence dans le domaine du français professionnel. Les ressources, en accès libre, y sont de deux types : brutes (documents authentiques) ou clés en main (utilisation directe en classe), et toutes sont libres de droits. Toutes les productions publiées sont validées par le Comité scientifique FOS de la Chambre de Commerce. Un niveau de qualité pédagogique élevé est donc garanti à tous les enseignants qui les utilisent.

20Toutes les contributions bénévoles sont bienvenues, et un guide de conception est
http://ifos.institutfrancais.com et http://www.francais.cci-paris-idf.fr/numerifos/

21Réalisation
Aux termes d’un appel d’offres, la réalisation de la plateforme a été confiée à la Chambre de commerce et d’industrie de Paris Île-de-France. Son comité scientifique FOS, présidé par Jean-Marc Mangiante, a élaboré les contenus. L’interfaçage avec la plateforme Moodle a été réalisé par le Centre de Linguistique Appliquée de l’université de Franche-Comté. Les vidéos ont été réalisées par TV5MONDE.

22NumériFOS® est exploité et hébergé par la CCI de Paris Île-de-France, avec le soutien de l’Institut français.

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Pour citer

Alexandre Minski, IFos, une plateforme pour l’enseignement du français professionnel
Le français à l'université , 20-01 | 2015
Mise en ligne le: 23 mars 2015, consulté le: 25 avril 2024

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Auteur

Alexandre Minski

Chargé de mission coopération universitaire, Institut français (Paris, France)

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